L’humusation : le retour à la terre 100 % écolo

11 Août 2020 | 0 commentaires

Vous êtes-vous déjà demandé ce que vous deviendrez physiquement après votre mort ? Attentif que vous êtes à réduire vos déchets sur la terre, quid de votre devenir post mortem ? Peut-être songez-vous à une crémation, pensant que ce mode funéraire est moins délétère pour l’environnement. Las, il ne l’est guère plus que l’enterrement. L’humusation, voilà des obsèques 100 % écologiques. Ce mode de sépulture s’inspire du processus de transformation de l’écosystème. Un retour à la terre pour le corps, qui restitue d’une certaine façon ce qu’il a reçu lors de sa vie. Du compostage humain, en fait. Pour en savoir plus sur cette opération funéraire alternative, la cause de son émergence, ainsi que ses failles, lisez la suite.

Qu’est-ce que l’humusation ?

Disons-le tout de suite, mémé ne connaîtra pas l’humusation, car celle-ci n’est actuellement pas légalisée en Europe. C’est un projet présenté par une fondation belge, la Métamorphose pour mourir, puis donner la Vie. Le principe de l’humusation est inspiré du cycle naturel de la vie sur terre, à savoir le lent travail de décomposition de toute matière organique, végétale ou animale, par le biais des micro-organismes. C’est un concept qui se revendique comme totalement écologique. En cela, il s’oppose aux méthodes funéraires traditionnelles de l’occident, où la question de l’impact environnementale n’est pas du tout posée à la base.

Comment ça marche ? Suivant le principe de transformation qui régit l’écosystème, le corps est déposé sur le sol pour profiter de l’action des micro-organismes qui vivent essentiellement sur les 20 premiers centimètres de la terre. Il repose sur un lit de copeaux, puis est largement recouvert de végétaux broyés. Ceux-ci ont une double action : filtres épuratoires et accélérateurs de décomposition, ils permettent d’éradiquer les germes pathogènes et d’éviter les prédateurs. Il en résulte au bout d’un an un humus sain qui, en enrichissant la terre, pourra faite naître et grandir une vie végétale.

Pourquoi l’humusation ?

Les militants du compostage des dépouilles humaines proposent une approche plus respectueuse de la nature car soucieux de limiter au maximum la pollution. L’idée est de créer un échange juste et équilibré : offrir son corps à la terre, c’est lui rendre ce qu’elle lui a donné de son vivant.

Revenons aux modes funéraires classiques : l’enterrement et l’incinération. La mort étant taboue, on en ignore les détails, ce qui permet difficilement de se faire une opinion. Faisons le point.

L’inhumation

Six pieds sous terre, il n’y a pas l’air ni l’humidité nécessaire au travail de recyclage des micro-organismes. À la place, se diffusent dans le sol et les nappes phréatiques des émanations toxiques dues à la putréfaction, aux produits chimiques accumulés dans les organes (médicaments, métaux lourds, etc.) et éventuellement ceux de l’embaumement. Sans compter les divers matériaux qui accompagnent un enterrement : aux États-Unis par exemple 3,7 millions de litres de soins de conservation sont enterrés chaque année (avec 600.000 km de planches de bois et 1,6 million de tonnes de béton) .

La crémation

La destruction par crémation se fait à plus de 1000 °C pendant environ 1 h 30. Il y a donc une dépense énorme d’énergie pour arriver à brûler, rapidement, mais incomplètement, un organisme composé aux 3/4 d’eau. Des rejets toxiques, là encore, se répandent en masse dans l’atmosphère et le milieu aquatique (250.000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère, pour les Américains) .

Le déroulement d’une humusation

Par comparaison la démarche de la Fondation belge semble bien peu délétère. Voici comment, en pratique et selon le collectif, elle est censée se dérouler :

  • le défunt et sa famille disposent pendant un an de 6 m² sur un espace clôturé, gardé et protégé des prédateurs, appelé « Jardin-Forêt de la Métamorphose » ;
  • la personne décédée est, en fonction de sa dernière volonté, enveloppée d’un linceul biodégradable ou logée dans un cercueil en bois local non traité ;
  • la dépouille est ensuite ensevelie au cœur d’une butte épaisse de végétaux broyés ;
  • la famille pourra garnir la sépulture d’une stèle de son choix et l’orner de fleurs naturelles ;
  • une partie de l’humus lui revient afin, par exemple, de planter un arbre en souvenir du disparu ;
  • cet arbre pourra être planté dans un lieu commémoratif, disponible dans chaque région, où la famille pourra venir se recueillir.

Combien coûte une humusation ?

Tant que la méthode n’est pas légalisée, il est difficile d’en évaluer le prix. On considère cependant que :

– le cercueil n’est pas obligatoire, mais peut être loué ;

– il n’y pas de pierre tombale, mais une stèle en bois ou en pierre du pays ;

– les frais comportent un an de location de 6 m² et des frais d’entretien de l’espace commémoratif.

Si on tient compte en contrepartie du coût de la main d’œuvre des humusateurs agréés, le coût estimé de cette pratique se situe en dessous de l’inhumation et la crémation, puisque aux alentours de 2000 euros.

Le compostage humain en question

Où en est le projet ?

  • en France, pour l’instant, c’est non. « Les questions que soulève l’humusation nécessitent une réflexion approfondie » répondait le ministère de l’Intérieur, en 2016 à une sénatrice qui évoquait le sujet ;
  • en Belgique, où le collectif fait un lobbying pressant, pas de légalisation à ce jour, mais une motion, approuvé par le gouvernement bruxellois, reconnaît depuis 2018 le terme et le principe de l’humusation dans la législation funéraire. Des tests sur des cadavres de porcs sont en cours ;
  • aux États-Unis, une méthode assez proche, mais nettement moins écolo, appelée « Recompose » , a été adopté en 2019 par l’État de Washington.

Peut-on humuser un animal ?

Pour l’instant, rien n’empêche d’ensevelir son animal de compagnie dans son jardin. A la condition d’un poids inférieur à 25 kg,vous pouvez lui préparer une butte. Des formations en ce sens sont organisées au Centre Pilote pour l’humusation. Vous trouverez comment gérer un compost de jardin sur cette page.

L’humusation est-elle éthique ?

L’idée de manger tranquillement les pissenlits par la racine, tout en se réinsérant dans la biosphère via un arbre majestueux, est bien sûr fort inspirante. Mais pas sûr que ce soit le cas. Par exemple, tandis qu’une poignée du « super compost » (c’est ainsi qu’on appelle mémé désormais) est remise aux familles, qu’advient-il du reste ? On lit sur le site qu’ « une grande majorité est remise aux humusateurs agréés qui peuvent s’en servir pour améliorer la fertilité des terres qui en ont besoin ». Considérons cela et le contexte dans lequel s’insère le concept, au demeurant certainement loyal et bien intentionné de la Fondation pour l’humusation :

  1. Donc les humusateurs font apparemment ce qu’ils veulent des restes de mémé. Seront-ils vendus au plus offrant sur le marché de la consommation, pour faire à peu près tout et n’importe quoi ? Probablement car dans un monde qui rationalise tout, l’homme est réduit à un produit : de son vivant consommateur et à sa mort consommable.
  2. Après une vie bien remplie, mémé sera ainsi priée de revaloriser les sols, pollués par les pratiques industrielles et agricoles qu’elle n’a jamais cautionnées (de toute façon, on ne lui a pas demandé son avis). Pratiques qui continueront, encouragées qu’elles sont par les pouvoirs publics, à mener inexorablement la civilisation dans son mur, humusation ou pas.

3. Enfin, une société qui appelle « ressources » les plus belles choses qui l’entourent : terre, mer, soleil, plantes, animaux et maintenant humains est-elle à même d’appréhender les dimensions sociale, philosophique et symbolique qui font la grandeur de son humanité ? « Montrez-moi comment une civilisation honore ses morts, et je vous dirai quelle est la morale de ce peuple. » Churchill.

Le débat devra en tout cas, à son heure, être soumis à réflexion et à une consultation populaire, car une fois légalisé, il sera quasi impossible de revenir en arrière.
Plus de renseignement sur la Fondation sur son site de la metamorphose pour donner la vie
Mourir ok, mais sans polluer. L'humusation : la solution pour une réduction organique complètement naturelle. Votre dernière volonté sera-t-elle verte ?

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